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J’ai appris à lire dans tes pensées quand tu ne parlais pas

Tu ne parles pas, mais je sais que ça ne va pas du tout. Pas besoin de chercher la cause trop loin. Notre fils vient de mourir il y a tout juste quelques semaines. La journée de sa naissance en fait. Devant nos yeux impuissants et sans le moindre avertissement. Depuis, tu ne pleures pas. Ce n’est pas vrai. Des larmes ont coulé sur tes joues la journée des funérailles. Qui aurait pu faire autrement alors que nous étions plus de 300 en pleurs? Le regard des autres te forçait probablement à comprendre la situation, à admettre cette fatalité qui venait de nous frapper à nouveau alors que nous pensions que cette fois, la vie nous en devait une. Toi l’homme fort et solide comme le roc, tu es là pour sécher mes larmes, entendre ma peine et écouter ma douleur. Mais toi mon amour, personne n’a besoin d’essuyer tes larmes… parce qu’elles ne coulent pas.

Tu m’inquiètes. J’aimerais tant que tu me parles, que tu t’exprimes en mettant des mots sur tes émotions, comme moi je peux le faire. Peut-être que ça me rassurerait? Mais tu en es incapable. À travers tes yeux, je lis tes pensées et je vois que tu es brisé. Je sens que tu es déconnecté et ça me fait peur. Tu as été chercher de l’aide parce que tu sentais que rien ne s’améliorait. Ton état de choc est sans fin et pour te protéger tu t’es construit une bulle, une sorte d’abri à ta souffrance. Ta tête ne t’appartient plus et ton cœur s’est détaché de ton corps. Je sais que tu te sens désespéré car un mal plus grand que toi t’a envahi. Que ce déséquilibre est bien plus qu’une grande tristesse. Et malgré ton silence, j’entends ta douleur dans chacun de tes battements de cœur. Je sais que tu souffres en silence.

L’autre soir, un ami est venu te rendre visite à la maison. Une chance parce que toi, tu ne sors plus. Vous étiez au sous-sol alors que moi j’étais restée à l’étage pour vous permettre de passer du temps ensemble, seuls. Par moment j’avoue avoir étiré l’oreille en souhaitant entendre des confidences de gars. Mais rien. Uniquement l’écho du ping pong de la balle qui rebondissait en réponse à chaque coup de raquette. Après un moment, je me suis décidée d’aller au lit parce qu’il se faisait tard, et que parfois dormir aide à ne plus penser. J’ai donc amorcé ma descente en vous avisant que j’allais me coucher, mais comme je n’avais aucune réponse de votre part j’ai continué de descendre encore un peu. Puis je t’ai aperçue dans le silence. Tu étais assis sur un tabouret rouge dans un coin, ton ami était devant toi et t’entourait de ses bras. Toi, tu avais la tête contre lui… et tu pleurais. En te voyant si fragile, j’ai tellement eu envie de te rejoindre pour que nos pleurs s’entremêlent. Mais à ce moment-là, j’ai compris que nos larmes n’avaient pas le même langage. Tes sanglots étaient durs et incontrôlables. Tu pleurais pour toi, pas pour qu’on t’entende.

Ce soir-là, tu ne m’as pas vue et je suis remontée sans rien dire. J’avais la gorge serrée et les yeux pleins d’eau, mais le cœur un peu moins lourd. Comme si j’étais un peu rassurée de te voir partager une partie de l’immensité de ta peine. Je ne t’en ai jamais parlé parce que ce moment t’appartenait.

Même si tu n’as pas les mots pour exprimer toute la douleur qui te ronge en silence, sache qu’à travers tes yeux je peux voir ta souffrance parce que j’ai appris à lire dans tes pensées. J’ai accepté qu’il ne servait à rien de te poser des questions auxquelles tu n’avais pas les réponses. Prends ton temps pour guérir et ma main quand tout devient trop noir. Je suis là. Lorsque ta peine devient si grande et que tu n’as plus que tes yeux pour pleurer, eh bien pleurs mon amour, pleurs. C’est pas magique, mais parfois les larmes aident le cœur à guérir.

Mélanie

  • Johanne Santerre - …xxrépondreannulé

  • Vonita - ❤️répondreannulé

  • Amélie - Merci… Ces mots font du bien à lire aussi…répondreannulé

    • Mélanie - Un réalité qui fait très mal, mais qui nous enseigne par la force des choses le respect du deuil de chacun. En tant qu’individu, on chemine à notre façcon dans ce difficile passage obligé. Il n’y a malheureusement pas de mode d’emploi, mais à mon avis, le respect et l’amour devraient faire partie de la recette.répondreannulé