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On m’avait dit…

baby-256857_1920Je ne peux pas dire qu’on ne m’avait pas prévenu, on me l’avait bel et bien dit. On m’a répété encore et encore avant d’avoir un enfant que la première fois que je le prendrais dans mes bras changerait ma vie. On me l’a dit, murmuré et soufflé à l’oreille… « Lorsque tu vas voir son visage, tu vas tomber en amour pour le reste de ta vie » .  Je ne peux pas dire le contraire, c’est exactement comme cela que c’est arrivé, mais je dois t’avouer que je t’aimais déjà, depuis le premier instant, depuis le premier moment où tu t’es installé dans mon ventre. Mais il y a ce petit quelque chose de plus qui s’est produit  lorsque mes bras ont entouré ton petit corps. Tu étais beau, tu étais si beau. C’est avec douceur et tout l’amour du monde que je t’ai serré, embrassé, et doucement, si doucement caressé ton visage. Ton papa était là, juste à côté de moi… en fait, j’étais blottie dans ses bras pour pouvoir te prendre et t’accueillir.  Et puis, j’ai visité tout ton petit corps, si parfait, si fragile. Tu étais là, plus tranquille qu’il n’est possible de l’être. Tu étais enfin avec moi, enfin dans mes bras. Tu étais là et je savais que tu y étais pour peu de temps, que mon temps était compté, que tu ne resterais pas.

On m’avait prévenu que ma vie changerait à jamais, mais on ne m’avait pas dit qu’il y avait cette possibilité que cela ne se passe pas comme prévu. On ne m’avait pas prévenu qu’une infirmière allait doucement venir te porter à moi dans une petite couverture chaude, mais que tout ton corps allait être froid. On ne m’avait pas dit que la minuterie allait démarrer dès le moment où j’allais te prendre dans mes bras. On m’avait parlé de tout cet amour que je ressentirais, mais on ne m’avait pas prévenu de la douleur qui pouvait venir avec elle. On m’avait dit que te prendre allait me faire du bien, mais on ne m’avait pas dit à quel point.

On m’avait dit que je couvrirais de mots, de paroles et d’histoires, mais que pouvais-je te dire à toi mon enfant si cher et si désiré. Comment pouvais-je me faire pardonner. « Je t’aime… maman t’aime tellement… tellement ». C’est la voix brisée, le sourire aux lèvres et les yeux dans l’eau que j’embrassais le visage de ton corps inerte. J’étais bien, et pourtant si mal. Ton corps était présent avec moi, mais ton petit cœur n’avait pas le rythme pour faire ouvrir ces beaux petits yeux cachés derrière la mort. Comment est-ce possible d’être confronté à une injustice aussi grande? Comment est-ce possible de vivre un départ aussi tôt. « Je t’aime… je suis désolée… je t’aime… sois assuré que je t’aime… tellement ». Chaque minute qui passe me rapproche et me sépare de toi. Ils viendront te chercher bientôt, j’en suis certaine, et moi je voudrais simplement courir et disparaître avec toi. Je voudrais que ce moment reste à jamais. Je voudrais que ce sentiment de bien-être qui m’habite en posant les yeux sur toi reste au lieu de laisser place à cette douleur qui m’envahira sous peu. Je n’ai que quelques minutes pour te transmettre, te faire parvenir, te faire ressentir tout l’amour qu’une mère peut avoir pour son enfant, tout l’amour que moi je peux avoir pour toi. C’est un sentiment intense que j’espère ne jamais revivre dans ma vie. C’est un sentiment si fort, si lourd et pourtant si beau. C’est de l’amour brut offert dans la douceur et l’urgence du moment. C’est de l’amour en quelques heures, en quelques minutes, en quelques secondes en ta présence.

On m’avait dit que je ne voudrais plus jamais me départir de toi, mais moi, ta maman, je n’ai pas le choix.  Je devrai quitter cet endroit et te laisser derrière. Je devrai reprendre ma vie presque comme si tu n’en avais pas fait partie. On m’avait dit que ma vie allait changer, mais on ne m’avait pas prévenu du tournant qu’elle pouvait prendre. On ne m’avait pas dit qu’un enfant pouvait changer une vie dans la douleur, dans la peur et dans les pleurs. Et pourtant… pourtant je te regarde en ce moment comme s’il n’y avait pas de lendemain. Je glisse doucement à nouveau, encore et encore, mon index sur ton visage comme pour en mémoriser chaque détail. Je te serre, t’embrasse, t’analyse et te cajole. Toi, mon bébé, mon enfant, une partie de moi… laisse-moi garder en mémoire tous ces beaux moments passés ensemble. Laisse-moi garder de toi que le meilleur, le plus beau, le plus doux. Laisse-moi croire que j’aurais pu bien remplir mon rôle, que j’aurai été une maman extraordinaire… que j’aurai été une maman… que je suis et je reste ta maman…

Et puis le temps est arrivé « Je crois qu’on devrait le laisser partir »… j’acquiesce à la demande de ton père sans trop savoir si moi je le peux, si je suis prête… mais non, je ne suis pas prête, je ne serai jamais prête… comment peut-on être prête? Je sais simplement qu’on ne peut garder ton corps éternellement avec nous. Je sais de manière plus que rationnelle que je ne peux te ramener à la maison avec moi. J’acquiesce et je pleure, j’acquiesce et je sens cette douleur arrivée en moi, trop grande pour mon propre corps, trop grande pour la terre entière. Et je te rends à cette infirmière qui t’a apporté à moi quelques instants plus tôt. On dirait que cela n’a fait qu’une seule seconde. Je te rends et te regarde partir, car c’est ce que je dois faire; je te regarde partir en ayant que la chaleur de mes larmes pour me réconforter. Ton papa me serre très fort dans ses bras. Je dois me rendre à l’évidence, la mort a eu raison de ton avenir. Et malgré tout l’amour que ton papa m’offre, malgré tout le soutien et la tendresse et qu’il me donne, mon cœur est brisé en plus de morceaux que je ne connais de chiffres pour compter…

-Geneviève

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Tu as toi aussi été touché par le deuil périnatal ? Sache que nous avons une catégorie regroupant nos articles sur ce sujet… juste ici.

 

  • artemise - Je suis très touchée par vos écrits <3
    L'amour qui en ressort est tellement fort.répondreannulé

    • Geneviève - Et effectivement après ces 8 années, c’est encore et toujours ce qui me vient en tête en repensant à cette journée.. tant d’amour délivré en si peu de temps. Merci – Genevièverépondreannulé

  • cynthia - Très touchant de te lire ! Ça me rappelle un douloureux souvenir. J’ai perdu mon petit garçon en novembre 2014. Il est né trop tôt beaucoup trop tôt et il est décédé. Je comprend tellement cette douleur qu’on ressent. Ton texte decrit très bien de qu’on ressens lors de cette journée fatidique ! Merci pour ce texte <3répondreannulé

    • Geneviève - Toutes nos pensées vous accompagnent Cynthia. Ce texte a été très libérateur a écrire après déjà 8 années. Je vous souhaite maintenant douceur et bonheur pour les années à venir! – Genevièverépondreannulé

  • Pauline - Quel joli texte.. et comment il résonne dans mon coeur.. blessure encore récente et béante..
    Mes bébés son nés trop tôt.. avec 13 semaines d’avances.. 2 petits gars bien petits (1100g et 1170g).
    Petits hommes prévus pour l’automne mais arrivés en été..

    Mon ainé, je ne lai vu qu’a travers les vitres de sa couveuse, trop fragile.. La seule et unique fois où j’ai pu le serrer dans mes bras, c’est 4 jours après sa naissance, un mercredi matin, juste après qu’il ai fermé les yeux pour ne jamais les rouvrir.. Je me souviendrais toujours de ce petit corps contre moi, de ce sentiment d’injustice.. De le voir partir avec des étrangers, me promettant qu’ils s’en occuperont avec douceur..

    Certains me disent que, dans mon malheur, j’ai de la chance et que mon cadet est en vie, s’est battu et est enfin rentré a la maison (apres 2 mois 1/2 d’hospitalisation)..
    Théo restera a jamais dans nos cœurs et son frère devra grandir avec l’absence de son jumeau.

    Deux sentiments bien difficiles à faire cohabiter.. La joie de s’occuper de notre fils mais la douleur de penser à notre ange perdu..

    Merci d’avoir partagé votre histoirerépondreannulé

    • Geneviève - Bonjour Pauline, toutes mes pensées vous accompagnent. Effectivement le deuil d’un jumeau est un deuil tout particulier. Si je peux me permettre, il y a un passage dans le livre « Mes rêves envolés » présent exactement pour le type de deuil auquel vous êtes confronté. Malgré le grand bonheur d’avoir votre fils à vos côtés, la perte de Théo reste un grand vide et d’une grande tristesse. Théo trouvera doucement sa place bien à lui dans votre coeur et dans votre famille. Je pense à vous de tout coeur, autant pour la prématurité de vos fils, pour votre beau garçon à la maison et pour votre Théo si près de votre coeur, Genevièverépondreannulé

  • Sandrine - Chère Geneviève,
    En cette veille de 15 octobre, journée mondiale du deuil périnatal, vos mots résonnent comme un écho car c’est tout ce que j’ai pu ressentir ce jour du 22 novembre 2015 où j’ai moi-même du laisser partir mon petit garçon, prénommé Tom, décédé in utéro quelques jours avant terme.
    La douleur atroce, la tristesse mais paradoxalement le bonheur de sa rencontre et la fierté de voir ce magnifique petit garçon…
    Merci pour ces mots très touchants qui j’espère le seront pour beaucoup. Amicalement, Sandrine (Belgique)répondreannulé

    • Natacha - Bonjour,
      Je n’ai pas eut le courage…. De voir, prendre ma petite Flavia… Décédée quelques jours avant le terme et sans signes avant coureur… J’aimerais tellement que tout le monde comprenne que faire un enfant cela comporte aussi le risque de ne jamais le voir grandir…
      Pour que nos enfants qui n’ont pas eut le temps de marqué les esprits le fassent désormais. Nous vous aimons. Vous faites partis de nous, même si souvent nos entourages vous occulte….répondreannulé

      • Geneviève - Bonjour Natacha, je ressens tout l’amour que vous aviez pour votre belle Flavia. Sachez que j’ai aussi longtemps hésité avant de voir mon fils, mais j’ai eu la « chance » d’être hospitalisé assez longtemps pour changer d’idée. Malgré le fait que vous n’avez vécu cette rencontre, l’amour présent pour votre fille ne changera pas. Flavia est gravé dans votre coeur et effectivement, ces enfants que nous avons porté font partie de nous à jamais. Genevièverépondreannulé

    • Geneviève - Bonjour Sandrine, je suis émue de voir que mes mots ont pu vous toucher ainsi. Je vous envoi toutes mes pensées face au premier anniversaire de Tom qui arrive à grand pas. C’est une date qui reste à jamais présente dans notre calendrier, notre vie, notre coeur. Effectivement cette rencontre est un mélange de tant d’émotions qui ne devraient vivre les unes avec les autres… Genevièverépondreannulé

  • segolene - Quel magnifique texte! un grand merci pour l’avoir écrit. Je vais le garder précieusement et le mettre dans le livre de mon petit Paul.
    Quand je le lis, je suis parcourue de frissons car je me retrouve exactement les émotions vécues 5 ans en arrière dans cette chambre d’hôpital.
    Un grand mercirépondreannulé

    • Geneviève - Merci beaucoup pour ces beaux mots, c’est effectivement le plus réaliste face à ce que j’ai vécu il y a maintenant plus de 8 ans avec mon beau Loïk. Contente de lire que ces mots se retrouveront dans la boîte de votre fils Paul. Je pense à vous, Genevièverépondreannulé

  • Priscilla Vatrano - Je n’ai aucun mot à ajouter c’est exactement comment je me sens. J’ai pleuré en te lisant, un texte si merveilleux et à la fois si douloureux et déchirant. Merci pour c’est belle paroles. J’ai perdue une petite fille il y a 5 ans. J’avais 5 mois de grossesse. Et nous l’avions tellement désiré. Conçu par fécondation in vitro ça nous avait pris près de 4 ans. Je comprend parfaitement les sentiments dont tu décrit dans ton texte et mon dieu que ça fait du bien de tombé sur des personnes qui savent comment se sentent des parents orphelins.répondreannulé

    • Geneviève - Je suis si désolée de vous lire! Après 4 ans d’attente, le miracle s’était enfin produit et la vie a encore joué de ses tours. Je vous envoi mes plus belles et douces pensées et souffle un doux baiser pour votre petite fille. Je suis heureuse que vous ayez pu vous retrouver dans mes mots et voir comment nous ne sommes pas seules dans ce que nous vivons et dans la peine que nous pouvons ressentir… Genevièverépondreannulé

  • Aude30 - On dirait que ce texte a été ecrit pour moi… Cette douloureuse expérience je l’ai vécue il y a 43 ans déjà .. Et c’était comme ci c’était hier!!! J’ai tenu mon petit garçon quelques secondes dans mes bras et il me fut » arraché  » par un personnel soignant et dévoué mais qui malheureusement n’a pu juguler la détresse respiratoire due à une  » prématurité « né à 8 mois de grossesse . Occasionnant dans son cas la maladie des membranes hyalines !!!
    Ce w end à Paris qui se voulait heureux s’est terminé dans un désespoir profond. Difficile à surmonter les premiers temps et la vie reprends son cours et dans notre Coeur la place de l’absent est toujours là avec autant d’amour. Il est devenu mon petit ange .. Mais il a changé le cours de ma vie. 2 autres enfants et petits enfants ont réussi à panser ma plaierépondreannulé

    • Geneviève - C’est si beau de vous lire chère Aude. 43 ans plus tard, ce garçon garde toujours sa place de choix dans vos souvenirs, mais surtout dans votre coeur. Nous ne pouvons que lui envoyer une petit dose d’amour et surtout, vous offrir nos plus belles pensées, Geneviève et Mélanierépondreannulé

  • Dorothée - Merci Geneviève pour ces lignes si émouvantes et si parlantes. J’aurai pu en écrire chacun des mots. Votre texte m’a tellement touché, que je me suis permise de le partager sur mon blog.
    Vous pourrez le retrouver ici
    https://vivrejourapresjour.blogspot.fr/2017/10/texte-de-genevieve-du-blog-cest-notre.html

    Bien amicalement. Dorothéerépondreannulé

  • Bianca - C’est exactement cela que j’ai vécu, il y a bientôt 3 ans dans quelque semaines. Mon beau et grand Samuel est né à 40 semaines avec tous ses morceaux, avec une belle courbe de croissance, etc. Et malgré une belle grossesse et malgré tout, la Nature en a décidé autrement. Merci pour ton récit. xxxxrépondreannulé

    • Geneviève - Je vous envoi mes plus douces pensées pour votre beau Samuel. Je suis heureuse que vous vous soyez retrouvé dans mes mots, même si j’aurais aimé être la seule à vivre cette difficile épreuve. – Genevièverépondreannulé

  • Emilie R. - Je voulais te remercier pour ton texte. J’en ai la gorge serrée. Les larmes coulent toutes seules. Toutes tes phrases, tous tes mots … ce sont exactement les miens. Cette façon de visiter le corps de notre tout petit. De le toucher, de le regarder pour n’en oublier aucun détail. Cet éclatement d’amour que l’on ressent quand on le tient dans nos bras. Cette volonté de le garder près de nous, de ne plus vouloir le lâcher.

    Je l’ai tellement aimé quand je l’ai eu dans mes bras, j’ai tellement voulu lui transmettre mon amour … que j’en ai presque oublié qu’il ne vivait plus. Tout mon amour devait lui permettre de respirer. Il devait être vivant pour ressentir mes caresses.

    Ca a été dur de m’éloigner de lui. De retourner à la maison quand lui restait dans la chambre mortuaire.
    Aujourd’hui encore, 4 mois après l’interruption de grossesse, je donnerais tout pour le tenir dans les bras. Le toucher, le serrer, le regarder.

    Merci encore.répondreannulé