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Ta maman derrière la vitre

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Salut bébé,

C’est moi, ta maman, de l’autre côté de la vitre. Je sais, je sais, ne t’inquiète pas, je sais que tu ne me vois pas. Ce n’est pas un manque de vouloir de ta part, c’est que tes yeux ne sont pas prêts encore à regarder la lumière. Mais sache que moi je te vois, je te regarde et t’admire de plus en plus chaque seconde. Tu te demandes sûrement un peu qui je suis. Pour l’instant je ne suis qu’une femme de plus qui s’occupe de toi, mais je suis la seule qui vient te voir avec cette jaquette bien particulière aux parents.  Je ne sais pas si tu reconnais ma voix? L’as-tu entendu assez à l’intérieur de mon ventre pour bien savoir c’est laquelle à travers toutes les autres? J’ai pourtant tant à te dire, à te raconter, à te faire comprendre. Je sais qu’enfermé dans ce petit incubateur beaucoup trop grand pour ton petit corps tu ne comprends pas pourquoi tu as quitté la chaleur de mon ventre. Mais sache mon tout petit bébé que tout cela est si involontaire de ma part. J’aurais tellement aimé te garder enfermé pour au moins 40 semaines, même 42 s’il avait fallu. Malheureusement le sort est tombé sur moi, sur toi, sur nous. Tu sais le petit pourcentage dont on entend parler lorsqu’on est enceinte, bien c’est nous.

704331_10151095025532330_113163600_oJe sais que tout cela est beaucoup d’adaptation pour toi, mais sache qu’il en est de même pour moi. J’avais si hâte d’être ta maman, de pouvoir te prendre, te bercer, te donner un bain, t’embrasser les joues, le ventre, les mains. J’avais hâte de te présenter à la terre entière, de te voir te promener de bras en bras! J’avais hâte de te montrer ta maison, ta chambre qui n’est pas encore prête et ton petit lit qui n’est pas acheté. Je n’imaginais pas ma maternité ainsi, et je dois apprendre à l’apprivoiser. Je ne suis pas la personne qui change ta couche, tu as beaucoup trop de fils sur toi pour que je puisse t’approcher. Je ne suis pas celle qui peut te donner à manger, ton petit corps n’est pas prêt à boire par lui-même. Je ne suis pas celle qui peut te prendre lorsqu’elle le veut dans ses bras… ton corps est encore un peu trop fragile pour cela.

266805_10151095026222330_1532264821_oJe te regarde à travers cette petite vitre en me disant que la vie est injuste et mon cœur sans le vouloir se remplit d’un amour incroyable et d’une peine inconsolable. Tu es là, devant moi, avec un poids calculé en grammes et des gavages en millilitres. J’aimerais tant pouvoir te toucher, te bercer et jouer mon rôle de maman. J’aimerais pouvoir te donner tes soins de base, tu sais ceux que toutes les mamans donnent. J’aimerais consoler tes pleurs ou du moins essayer de le faire. J’aimerais glisser ma main dans ton dos pour que tu sentes cette caresse qui apaise les bébés, mais je ne peux pas. Ta peau n’est pas complètement formée et faire ce geste t’apporterait douleur et non réconfort. En ce moment, tout ce que je peux faire pour toi, c’est placer ma main droite sur ta tête et repousser tes pieds vers ton corps avec ma main gauche. Je trouve cela tellement insuffisant, tellement injuste et si incroyable, mais cela te réconforte et te fais du bien qu’elles me disent.

478156_10151100594722330_2058034338_oElles… elles peuvent s’occuper de toi! Elles avaient leurs habits d’infirmières et de maman temporaire. Elles sont si douces, si patientes et si prévenantes pour toi. Secrètement, je les jalouse. J’aurais soudain envie d’avoir un cours d’infirmière dans mes bagages pour savoir ce que veulent dire toutes ces machines qui sonnent et surtout pour pouvoir être LA personne responsable de toi. Elles me regardent, me sourient et m’enseignent du mieux qu’elles le peuvent tout ce qui a maintenant rapport à toi. Tu auras peut-être l’impression qu’elles sont ta mère, mais sache que moi, je serai la seule qui reviendra jours après jours, heures après heures pour m’occuper de toi. Ce n’est pas que je les jalouse en soi, mais je les envie… comment faire autrement… Elles t’appellent par ton petit nom comme si elles avaient ce lien privilégié avec toi. Mais en les regardant, je vois qu’elles ont CE lien privilégié avec toi. Elles sont celles sur qui tu peux te fier présentement et je dois l’avouer, moi aussi.

705088_10151095024127330_1919211017_oElles m’ont dit que tu vivais ta lune de miel présentement. Une lune de miel où tout devrait bien aller, temporairement. J’apprends que pour les 2 prochaines années tu auras 2 âges, un réel et un corrigé et qu’un jour le compteur va se retrouver donc tu reprendras tes semaines perdues. Elles me préviennent que je vais vivre de nombreuses montagnes russes, que la prématurité est un monde à part et que nous allions passer au travers de plusieurs émotions. Mais j’avoue qu’à ce moment précis où je désinfecte mes mains avant de t’approcher, je ne réalise pas encore à quel point les sons entendus dans ta chambre vont rester ancrés dans ma tête durant des années. Je ne sais pas encore comment la porte de ta chambre va avoir une signification particulière lorsqu’on attendra la visite d’un médecin, des nouvelles de ton état de santé ou une opération pour ton petit corps qui ne va pas bien. Je ne sais pas encore ce que « code rose » veut dire et surtout l’émotion que je vais ressentir lorsqu’il te sera destiné. Je ne connais pas encore la signification précise des mots saturation, astrup, CO2, canal artériel, intubation, haute fréquence, CPAP, BiPAP, lunette nasales, bulles, high flow, low flow, fréquences, pression, volume, infection, poids, voie, entérocolite, rétinopathie, hémorragie cérébrale, bronchodysplasie, gavage, apnée, bradycardie, pneumothorax, caféine (bien oui toi, sur un si petit bébé), ponction lombaire, hémoculture, aspiration, transfusion, oxymétrie, et tant d’autres que j’oublie.

35936_10151101283087330_727688899_nUne chose est certaine mon bébé à moi, c’est que j’ai tout l’espoir du monde dans mon cœur. Les risques m’ont été expliqués, les chances aussi, les pourcentages, les probabilités, les chiffres… tous les chiffres qui me disent de quoi ton avenir pourrait être fait. Lorsqu’on entre à l’hôpital habituellement, on veut repartir le plus vite possible. Moi, je veux rester longtemps avec toi! Aussi longtemps qu’il le faudra pour que tu puisses enfin arriver à ce 40 semaines tant désiré. Et même si je passe la majeure partie de mes journées à lire, à regarder le temps passer et à attendre à tes côtés, sache que le meilleur moment et le meilleur mot que j’ai appris dans les derniers jours reste « Kangourou ». Un mot si franc, si doux, si rempli d’amour. Kangourou veut dire toi, moi, l’un contre l’autre dans la paix la plus totale. Kangourou veut dire moment seul avec maman, malgré les fils, les sons, le respirateur… Kangourou veut dire normalité, tendresse, repos et surtout bonheur. Kangourou c’est toi, tout collé contre moi, dans le peau à peau le plus compliqué et simple à la fois. Kangourou, c’est mon privilège à moi, c’est mon moment où je suis ta maman, la seule et l’unique. C’est en faisant le kangourou que je te colle, je te protège, je te raconte une histoire, je te donne tout l’amour du monde et je respire à travers toi. Et si un matin on m’indique que tu ne vas pas assez bien pour en faire un, je continuerai à regarder le temps passer jusqu’au prochain. Je te promets de conserver cet espoir infini d’un jour pouvoir quitter cet endroit qui t’a gardé en vie pour la douce maison qui t’attend rempli de câlins, de bisou, d’amour… et de silence.

– Geneviève

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  • Bénédicte Balard - ouf! j’aurai aimé écrire ces mots remplis de vérités et de tendresse !

    Puis-je m’en inspiré pour écrire une lettre à ma fille née à 25 semaines?

    Merci encore ! cette lecture m’a fait revivre tant d’émotions tant de souvenirs…

    Bonne journée et j’espère que tout vas bien pour ton enfant!répondreannulé

    • Geneviève - Bonjour Bénédicte! Merci énormément pour votre message! Bien certainement que vous pouvez vous en inspirer pour votre lettre à votre fille. 25 semaines c’est si petit. Oui mon beau garçon va avoir presque 4 ans bientôt. Il est si beau à voir et si rempli de persévérance! – Genevièverépondreannulé

  • Desjardins. FRancoise - Ma chère Geneviève, bravo pour ce beau texte . Ma fille a connue cette épreuve il y a maintenant 6 ans.Elle a accouchée de jumeaux à 29 semaines Bon couragerépondreannulé

    • Geneviève - Merci Françoise! Mon petit garçon a maintenant 4 ans et se porte bien 🙂 J’espère qu’il en est de même pour votre fille. – Genevièverépondreannulé

  • Isabelle collin - Wow,comme vous décrivez bien la situation…il y a maintenant 9 mois et 1 jours que j’essaie de mettre des mots sur mes sentiments ainsi que sur ce que j’ai dû endurer comme toutes les parents de petits prématurés .Merci ! Merci de me faire voir que je ne suis pas la seule qui a jalouser les infirmières,merci de me faire voir que mes sentiments n’étaient pas anormaux,
    Bonne chance et courage !répondreannulé

    • Geneviève - C’est en grande partie pourquoi je désirais écrire ce texte. Contente que cela ait pu exprimer ce que vous avez ressenti. Tout en ayant ce sentiment de culpabilité face à ce que nous ressentons, en même temps nous leur somme si reconnaissantes! C’est mélange de ces deux sentiments qui rendent le tout si compliqué. J’espère que tout va mieux pour vous maintenant. – Genevièverépondreannulé

  • Sophie - Quel texte… Mon fils est né à 25 semaines et c’est le texte le plus juste que j’ai jamais lu jusqu’à maintenant. C’est tout ce que l’on a vécu, j’ai l’impression que j’aurai pu avoir écrit chaque mot, je l’ai lu en pleurs. Chaque instant décrit je l’ai ressenti, je l’ai vécu. Les moments kangourou, le pincement au coeur en voyant le lien des infirmières. C’est un texte magnifique.répondreannulé

    • Geneviève - Merci énormément Sophie! Il n’est pas toujours facile de trouver les mots exactes, mais je suis heureuse de vous lire et de voir que cela décrit si bien ce que vous avez aussi vécu. J’espère que sa lecture vous a apporté un peu de réconfort et surtout que vous avez pu voir combien vous d’êtes pas seules à avoir vécu le tout ainsi. Je vous envoi toutes mes pensées, Genevièverépondreannulé

  • Vanessa - Bonjour, merci pour ce magnifique texte . Tellement de similitude avec ce que j’ai ressenti à la naissance de mon fils lenny né à 25sa . Sauf pour les soins j’ai eu la chance de pouvoir lui prodiguer des soins et très vite lui changer sa toute petite couche avec la peur de casser mon tout petit bébé , les peaux à peaux ont été nombreux toujours fabuleux mais certains tellement angoissants … , je suis heureuse de savoir que votre enfant se porte bien je vous souhaite une douce et belle soirée à vous deuxrépondreannulé

    • Geneviève - Merci beaucoup Vanessa! Contente de voir que tout c’est bien passé et que vous avez rapidement pu prendre contact avec votre fils ;)! Ce sont des moments si important! Une belle et douce soirée à vous aussi,
      Genevièverépondreannulé

  • Inf anonyme - Bonjour, votre texte est beau et douloureux è la fois… Nous chérissons la confiance des parents et nous espérons leur laisser leur place. Mais surtout, on devrait pouvoir ouvrir notre coeur et confier ce que nous ressentons. Car nous partageons un si grand moment de la vie, si intime.répondreannulé