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Le jour où tu seras intimidé

J’aurais beau me couvrir les yeux, il n’y a rien qui épargnera ton chemin de cet événement. Depuis la nuit des temps, presque chaque enfant se fait intimider à de différents niveaux et je sais qu’un jour ce sera ton tour. Ce jour arrivera plus vite que je ne le voudrais et je dois avouer qu’il me fait très peur.

Tu sais mon cœur, cela m’est arrivé à moi aussi. Je me souviens particulièrement de cette fois où la plus belle fille de l’école m’avait, en 5e année, sortie de « la gang ». J’étais l’exclue, la risée, celle de qui on devait s’éloigner. Je me souviens de ma peine, et de mon mal-être lorsqu’on riait de moi à mon passage ou lorsqu’on me traitait de noms. Heureusement, cette période fût courte et mon fort caractère et moi, on y a mis terme. Bref, tout cela pour te dire que « même moi », ta maman si heureuse que tu vois aujourd’hui, je suis un peu passée par là. Je n’avais rien de particulier, pas de signe distinct et pourtant, c’était presque inévitable.

Je n’arriverai pas à t’expliquer pourquoi certains enfants ressentent le besoin d’intimider. En fait je le pourrais, mais cela n’apaisera pas la peine que ça fait ni la blessure que ça cause. Il y a ces intimidateurs temporaires et les permanents. Il y a ceux qui initient et ceux qui suivent. Et il y a les silencieux qui ne font rien, ne disent rien et pourtant y participent grandement. Je souhaiterais que tu ne subisses pas leur fougue, mais que tu ne sois pas intimidateur non plus. Je souhaiterais éviter tous ces signes dans ta vie.

Aujourd’hui, je te regarde éclater de rire sous les mimiques de ta sœur et je vois cette étincelle dans tes yeux. Tu es un enfant heureux… je peux le dire. Mais il y a au fond de moi cette peur qui reste ancrée. Tu te rendras compte très bientôt que tu es différent des autres enfants. Oui on me dira que chaque enfant est différent, mais la tienne est visible et sans qu’on le veuille, te mettra des bâtons dans les roues.

Depuis ta naissance, tu vis très bien avec elle, tu l’apprivoises et la défie. Tu es si beau à voir grandir à travers toutes ces épreuves, mais que se passera-t-il lorsqu’ils la pointeront du doigt? Comment réagiras-tu? Seras-tu capable de m’en parler à moi, ta maman « normale »? Vais-je trouver les mots pour diminuer en toi l’impact que cela aura sur ton bien-être? Vais-je avoir assez forgé ton caractère pour que tu sois capable d’y faire face? Vais-je trouver les bonnes armes pour me battre contre cette armée à qui je ne ferai pas face?

Cet avenir à l’extérieur de moi me fait peur mon chéri. La différence reste pointée à l’école et d’ici peu tu y feras tes premiers pas. Ils ne sauront pas le parcours que tu as eu, ils ne verront pas cette bataille que tu as gagnée contre la mort, ils n’auront pas vécu ces millions de petites victoires impossibles… Ils ne feront que noter et renoter qu’elle est là, te laissant croire qu’elle prend toute la place. Ils verront que tu ne peux pas courir après le ballon, mais ne comprendrons pas que tu n’aurais même pas dû te tenir debout à ses côtés.

Nous aurons tout fait pour que tu puisses intégrer l’école « régulière » et pourtant celle-ci me fait si peur. Vais-je être capable de reconnaître les signes? Vais-je avoir été capable de te donner ce sens de la répartie que ton père et moi possédons ? Je ne les connais même pas ces enfants et ils sont pourtant si présents en moi. Je ne les connais pas, mais ma seule envie est d’arriver à les aimer pour qu’ils n’aient pas cette influence sur moi, sur toi, sur nous.

Le jour où tu te feras intimider mon amour, j’espère être là, à l’écoute et voir les signes et surtout, les comprendre. J’espère que mon amour sera assez fort pour créer cette carapace qui te protégera d’eux. J’espère que leurs mots vides de sens ne résonneront pas dans ta tête. Si tu le veux, nous regarderons ton parcours ensemble et on se gonflera de fierté. On se tapera dans la main fier du travail accompli et surtout, on mettra en place un plan pour que tout cela cesse… diminue, s’arrête.

Je sais que tu ne pourras pas courir s’ils partent après toi, que tu n’auras pas la force physique de te défendre si dans le pire des cas ils s’attaquent à toi, mais j’essaierai de te transmettre mon amour des mots pour exprimer ce qui sera au fond de toi et par-dessus tout, j’essaierai de t’aimer assez pour que cela ne prenne pas toute la place pour TOI…

Geneviève