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Votre bonheur me fait mal

Ne le prenez pas personnel, je vous jure que c’est rien contre vous. Mais j’ai besoin de prendre mes distances pour me protéger un peu. Présentement, ma vie ressemble à une grosse tempête tropicale en plein hiver. Irréelle. Mon enfant est décédé alors que je venais à peine de lui donner la vie. Ça ne devait pas se passer comme ça. Ce n’est pas ce que j’avais prévu pour nous. Alors vous comprendrez que depuis ce jour où ma vie s’est arrêtée, je n’arrive pas à reprendre mon souffle. Je nage de toutes mes forces et c’est à peine si je réussis à maintenir ma tête hors de l’eau. Quand je vous vois voguer sur votre beau voilier dans votre océan de bonheur, la bourrasque que je reçois en plein visage est trop forte pour que je puisse l’affronter. Pardonnez-moi, mais je dois l’éviter si je ne veux pas me noyer.

J’essaie d’interpréter tout ce qui m’arrive. Mais je ne parviens pas à accepter ni comprendre pourquoi le destin m’a tracé cette voie. Pourquoi moi plutôt que vous? Comprenez-moi bien, je ne vous souhaitais aucunement ce malheur… mais j’aurais volontiers passé mon tour. On ne mérite pas notre malheur pas plus qu’on mérite notre bonheur. Ça peut sembler étrange dit comme ça, mais je le pense vraiment. Tout ça pour dire que pendant que votre vie se poursuit, la mienne n’a toujours pas repris. La vôtre brille pendant que la mienne s’éteint. Vous et moi, nous vivons aux antipodes. Je vous jure qu’il n’y a rien à faire. Mon bonheur est en décalage sur le vôtre. Point.

Lorsque je me compare à vous, je jalouse ce que je vois de votre vie sans en connaître toutes ses nuances. En secret, je me demande si vous réalisez le privilège que vous avez. Celui d’avoir votre enfant à vos côtés. Quand je vous entends vous plaindre de vos nuits blanches et de votre manque de sommeil, j’ai beaucoup de difficulté à sympathiser. Je m’en excuse. La vérité c’est qu’une partie de moi donnerait tout ce j’ai pour être à votre place.

Votre bonheur il est tatoué partout et chaque fois que je le rencontre il me replonge tête première dans ma souffrance. Difficile de mettre des œillères pour ne pas voir vos photos de bonheur parfait qui défilent sur Instagram. Ça m’étourdit et me fait trop mal. Votre bonheur qui me pince le cœur, est la preuve vivante de tout ce que je n’ai plus. De tout ce que j’ai si longtemps souhaité mais que je n’ai pas eu. Lorsque je vois votre nouvelle photo de profil Facebook arborant votre ventre bien rond sur le point d’éclater, si vous saviez à quel point je vous trouve chanceuse. Je reconnais cette naïveté dans vos yeux même si la mienne a disparu à tout jamais. J’aimerais retourner en arrière pour que ma vie soit un copier-coller de la vôtre. Lorsque je vous croise à l’épicerie et que j’entends votre bébé pleurer, ça me rappelle une fois de plus que je n’ai pas de bébé à consoler. Je fais la forte devant vous en vous répondant que tout va bien. Parce que c’est plus simple comme réponse et que ça l’air de vous rassurer. Je suis comme ça moi. Je pense encore aux autres avant. Tsé, je ne voudrais surtout pas vous faire sentir mal à l’aise devant l’inconfort que ma tristesse pouvait créer. Mais en dedans de moi, je me demande sérieusement pourquoi je vous épargne? Parce que même si je vous ferais feeler tout croche quelques minutes en vous avouant que ça ne va pas du tout, je sais qu’une fois que vous repartirez de votre côté vous oublierez vite ce moment malaisant. Mais moi, aussitôt que vous aurez le dos tourné mes larmes continueront de couler.

Votre bonheur en apparence, me semble si facile. Tellement parfait. Le mien c’est tout le contraire. J’ai perdu le mode d’emploi pour le réparer depuis qu’il s’est brisé. Plus tard, je ne sais pas quand, je serai sûrement en mesure de voir tout ce que j’ai plutôt que ce que je n’ai pas. Je le souhaite. Mais pas maintenant. Je sais que ce n’est pas facile à comprendre pour vous et c’est pour cette raison que je ne vous demande pas de le faire. Simplement de me respecter en acceptant sans juger, cet éloignement passager que je m’impose pour me protéger. Lorsque ma peine s’adoucira et que votre bonheur ne me fera plus autant violence, je reviendrai vers vous. Je vous en fais la promesse. Mais d’ici là, ne soyez pas déçus ou fâchés. Je vous en prie. Laissez-moi du temps et respectez ma distance. S’il vous plait.

Mélanie

  • Chantal - Si seulement ont pouvait rewinder la cassette de notre vie pour pouvoir effacer les pires moments de celle ci, mais ont ne peut pas…Prend le temps de vivre ta peine et ont ne peut rien dire de plus que juste d’en parler ca fait du bien .
    PREND BIEN SOIN DE TOI…Plein de tendresse XXXrépondreannulé

    • Mélanie - Merci Chantal pour ce beau message. Je vous rassure tout de suite en vous disant qu’aujourd’hui, je vais très bien et que j’ai fait la paix avec le bonheur des autres. La preuve que le temps fait son oeuvre et nous aide à apprivoiser notre vie. Mélanierépondreannulé

  • Casper - Bonjour Mélanie,
    Je tenais à vous remercier pour ce post, d’avoir mis des mots à ce que je ressens moi-même confusément.
    J’espère que vous trouverez la paix.
    Casrépondreannulé

    • Mélanie - Merci pour votre commentaire. Je vous rassure tout de suite en vous disant que le temps m’a aidé a faire la paix avec cette douleur qui m’envahissait face au bonheur des gens. Heureusement… Même si une certaine jalousie demeure. J’ai beaucoup de sympathie pour les parents qui ont eux aussi eu à apprivoiser ce sentiment étrange, mais bien réel. Je vous souhaite également de trouver la paix… elle viendra. Mélanierépondreannulé