Mon père, ce fantôme (Partie 1)

Mon père n’est plus que l’ombre de lui-même, un pâle reflet de l’homme qu’il a déjà été; un homme fier et vif d’esprit.

Je le regarde aujourd’hui et je vois un petit homme, encore plus petit qu’il ne l’a jamais été, maigre, sale et incertain. Il n’a plus aucune conversation. Ses yeux rieurs ne rient plus. Il fait des phrases décousues, vides de sens et sans lien les unes avec les autres. Se perdant dans son minuscule pantalon devenu trop grand, il est certainement rongé par le cancer… possiblement par des remords ou des regrets, mais aussi hanté par des souvenirs qui lui semblent de plus en plus lointains.

Aujourd’hui, je l’ai vu fragile, maigre et vulnérable. Pendant un bref instant, il semblait revenu à l’époque où ma mère faisait encore partie de sa vie au quotidien et j’ai vu dans son visage la déception et l’incompréhension lorsque j’ai dû lui apprendre que maman ne viendrait pas le chercher.

Il ne s’oriente pas dans le temps ni dans l’espace. Parle de moi à la troisième personne et me confond avec ma propre soeur. Il ne sait plus compter, me demande juste de l’amener quelque part comme si de toute façon j’avais l’intention de le laisser à la rue. Il n’a plus que la peau et les os, son cerveau lui joue des tours. Il m’a dit, en fixant son assiette, qu’il cherchait la viande alors qu’il parlait en fait de son portefeuille qu’il m’avait confié. Il avait aussi sans doute oublié qu’il m’avait confié sa montre. Je la lui remets, mais il n’arrive pas à l’attacher, geste qu’il a pourtant dû faire machinalement des milliers de fois avant aujourd’hui.

Voici mon père tel qu’il est désormais. Il ne me reste qu’à espérer qu’il arrive à trouver un peu de bonheur… chose possible s’il ne réalise pas à quel point il est devenu le fantôme de ce qu’il était.

– Julie

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