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Maman, ça veut dire quoi mourir?

Jusqu’à tout récemment, on n’avait encore jamais abordé le sujet de la mort avec toi. Pas parce que c’était tabou ou qu’on voulait contourner l’interrogatoire, mais juste parce que tu n’avais encore jamais posé de questions sur la matière. Je me disais qu’une fois rendu à la rivière, on traverserait le pont. Honnêtement, cette discussion de m’enchantait pas tant, mais je savais qu’elle se présenterait un jour ou l’autre comme une sorte de passage obligé. Et ce jour-là, je ne pourrais plus te protéger de cette vérité. Je savais qu’il me faudrait trouver les bons mots pour t’expliquer que la mort… ça fait aussi partie de la vie.

Puis la question est arrivée, comme une pomme mûre tombe de son pommier. C’était un petit matin du mois de mai alors qu’on se rendait à la garderie à pied. L’idée avait sans doute germé dans tes pensées depuis les derniers jours, puisqu’on se préparait à assister à une cérémonie soulignant le premier anniversaire de décès d’un petit trésor qui avait fréquenté ton CPE. Ton éducatrice vous avait expliqué qu’afin de commémorer son souvenir, un arbre serait planté en son honneur. Puis tout bonnement, tu as réalisé qu’il y avait bien longtemps que tu n’avais pas revu Caleb…

Bilou : Mamannnn, c’est comment qu’on meurt?

Maman : Tu te demandes pourquoi les gens meurent, mon lapin?

Bilou : Ouiiii, c’est ça.

Maman : Ben ça dépend, mon petit amour. Des fois on meurt parce qu’on est malade, d’autres fois c’est suite à un accident, parfois c’est parce qu’on est rendu très très vieux… Tu comprends?

Bilou (insatisfait de la réponse) : Non. Mamannnnn, dis-moi c’est quoi les étapes? Tsé mettons « Étape1 » quand tu meurs c’est quoi? « Étape 2 », c’est quoi?

Maman (prise un peu par surprise) : Mourir mon amour, c’est quand notre petit cœur arrête de battre. Le cœur, c’est notre petit moteur à nous. Et quand notre petit moteur ne fonctionne plus et bien on arrête de respirer et de bouger. Mourir, c’est pour toujours toujours. On n’a pas d’autres chances ensuite. C’est terminé…

Bilou (inquiet) : Mais Mamannnn, moi j’veux pas que tu meurs pour toujours! JAMAIS!

Quand tu as prononcé ces mots j’ai pu ressentir toutes tes inquiétudes d’enfant et je me suis sentie tellement impuissante devant cette avalanche de peur qui t’envahissait soudainement. Si tu savais à quel point j’avais envie de te regarder droit dans les yeux en te promettant avec mon âme, que Maman sera toujours là et qu’elle ne mourra jamais… si seulement c’était possible. Si seulement c’était vrai. Ces quelques mots seraient sans doute venus effacer d’un seul trait cette idée qu’un jour Maman ne serait plus là pour te tenir la main, pour te soigner et sécher tes larmes quand tu te blesses, pour te border le soir en t’invitant à recharger tes batteries alors que t’es convaincu que c’est pas nécessaire, pour te raconter une histoire comme seule maman sait le faire, pour te préparer le meilleur-pâté-chinois-du-monde-entier, pour écouter tes confidences et être là… chaque petites fois où tu as besoin de ta maman. Parce qu’un enfant, peu importe son âge, aura toujours besoin de sa maman. J’aurais aimé te faire croire que ta maman est une super-héros et que son pouvoir magique la rend immortelle. Et j’aurais voulu que tu y crois comme on croit au Père-Noël. Mais je n’avais pas envie de te mentir. Je ne pouvais pas te mentir. Pas sur ça.

Mon trésor, je te comprends plus que tu penses d’avoir peur de me perdre. Si tu savais à quel point cette idée m’a hantée quand tu es né. J’ai eu la chienne que tu meurs à tout moment. Peur de ne plus te voir grandir. Peur que tu partes sans m’avertir avant. Pendant plusieurs semaines, chaque petit matin où j’entendais tes gazouillis, je me levais du lit pour aller te retrouver en remerciant la vie de me permettre d’être ta maman une journée de plus. Et puis doucement, j’ai décidé de te faire confiance et de lâcher prise en savourant chaque journée comme un doux cadeau. Je ne sais pas ce que demain sera (personne ne le sait!), mais je sais qu’aujourd’hui nous sommes là. Toi et moi. Et c’est tout ce qui compte.

Tu es encore bien petit pour comprendre toutes les nuances de la vie, mais aujourd’hui tu as appris que la mort en faisant aussi partie. Est-ce que tu réalises tout ce que cela signifie? Je ne pense pas. Et c’est sûrement mieux comme ça. Un jour, on s’en reparlera sûrement. Mais d’ici-là mon lapin, ne te brise pas le coeur à imaginer le jour où je ne serai plus là, parce qu’aujourd’hui je suis ici avec toi. Et j’espère le rester encore très très longtemps…

Mélanie