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Ma fille, j’ai réussi

« Mon bébé, je suis peut-être jeune mais je suis tellement heureuse. »

C’est ce que j’ai écrit à l’époque lors ma grossesse. 18 ans, pauvre, irréfléchie peut-être mais tellement heureuse. Y’en a qui dirait même que je suis un enfant qui a eu un enfant. Je voulais le meilleur pour toi sauf que j’avais aucune idée de ce que c’était, pis j’avais pas l’argent pour te l’acheter.

Avoir un bébé à 18 ans, c’est lui faire traverser les périples de la vie avec toi, plutôt que l’avoir rendu à destination. Je te dis tout ça ma fille, mais ce que tu dois retenir c’est que j’ai réussi.

J’ai lu des dizaines de livres pour bien faire, pour faire oublier que je t’élevais dans un quartier pauvre où les voisins crient quand les bébés pleurent trop fort. Je t’ai allaité, porté, je t’ai même conçu une salle de jeu dans le salon inspiré de Montessori. J’ai joué à la mère parfaite et j’ai calqué toutes ces pédagogies alternatives même si ce n’était pas toujours adéquat. J’ai appris à être mère au fur et à mesure que tu grandissais et j’ai appris à être adulte du même coup.

Je t’ai tellement aimé que je me suis séparée parce que notre couple fondé trop jeune m’empêchait de t’offrir la mère que tu méritais. Tu ne le sauras jamais ma grande, mais le meilleur cadeau que je t’ai fait fut d’évoluer et de devenir heureuse.

Et nous voilà maintenant.

Qui aurait cru qu’on pouvait évoluer si vite toutes les deux? Toi tu sais lire et moi j’aime penser que j’ai réussi à changer notre destin en faisant mentir les statistiques. Les enfants de mères jeunes et pauvres sont régulièrement pointés du doigt comme ayant peu de chance dans la vie. J’ai refusé de te condamner à grandir dans la misère, ma fille.

J’ai maintenant une maison lumineuse où tu continues de grandir sous mon regard rempli de bonheur. Tu joues dans une grande salle de jeu avec des images de yoga sur les murs pis tu manges même du bio! Tout un contraste… Tu ne t’en souviens pas et pourtant parfois je pleure de t’avoir fait traverser tout ça. J’aurais souhaité te donner la chance de grandir dans les meilleures conditions dès le Jour 1…

J’étais jeune, j’étais heureuse… et je le suis encore plus aujourd’hui.

J’en ai compris des choses avec le temps. J’ai appris que pour te rendre heureuse y’avait rien de miraculeux à acheter; pis que c’est vrai que les enfants ont surtout besoin d’amour. Un jeune enfant ça aime son parent sans juger, sans vraiment remettre en question ce qu’il a à lui offrir. Le moment présent devient sa normalité. Un enfant ça ne sait pas ce que les spécialistes disent sur ce que sa mère devrait être ou avoir. Ça sait juste que c’est heureux quand maman raconte une histoire, peu importe la qualité du quartier où il habite…

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Ma fille, je veux que tu saches que ce que tu es un jour n’a rien à voir avec ce que tu seras le lendemain. Ne juge personne, y compris toi-même, par l’endroit où il habite ou ce qu’il possède… tout n’est que temporaire.

Ma fille j’ai réussi.

Je ne parle pas de la maison; ma réussite, ce sont tes yeux qui brillent de bonheur.

– Zoé