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Quand le grand jour fait peur

Dans les prochains jours, j’ai rendez-vous avec la vie. Ça semble excitant dit comme ça, mais moi j’ai peur. À vrai dire, j’ai la chienne que ce moment doux et magique se transforme en quelque chose de tragique. Que la fatalité frappe à nouveau par derrière. Parce que quand le pire m’est arrivé, je ne l’avais pas vu venir. Personne ne m’avait même prévenu qu’un bébé ça pouvait mourir. Maintenant que je le sais, c’est impossible de l’oublier.

J’ai peut-être l’air zen comme ça, mais je tremble de l’intérieur. Je suis la principale témoin du tirage et j’angoisse à l’idée qu’une fois de plus, mon numéro soit pigé à cette loterie du malheur.

J’ai peur que ça ne se passe pas comme dans les livres. Peur de dire « aurevoir » avant même d’avoir dit « bonjour ». Encore une fois. Une fois de trop. Désolée de détruire cette croyance populaire, mais ce n’est pas parce que ça nous est arrivé une fois que ça ne peut pas nous arriver encore. Moi je le sais. La vie ne nous doit rien et ne marche pas au mérite. Alors j’ai peur même si je sais que ça ne me protège pas. On me dit de penser positif, de ne pas penser à « ça », que tout va bien aller cette fois… Je sais que vous me dites tout ça pour bien faire, mais je n’ai malheureusement aucun contrôle sur mes émotions. Je ne fais pas exprès. C’est mon état et je ne devrais même pas avoir à me justifier. J’ai peur. Point. Peur d’avoir de la peine, peur de devoir terminer ma famille sur une mauvaise note, peur d’échouer là où tant d’autres ont réussis si facilement. Peur de ne jamais connaitre mon bébé, de ne pas avoir le privilège de le voir grandir. Dans mon cœur, ma famille n’était pas terminée. Mais est-ce que la vie en décidera autrement?

Je sens l’excitation des gens autour de moi. On me téléphone pour prendre des nouvelles et me demander si je suis prête pour le « grand jour ». Je dis « oui » parce que c’est ce que les gens veulent entendre. J’ose même leur dire que j’ai hâte! Et on me croit. Mais la vérité c’est que si je pouvais, je préférerais garder mon bébé dans mon ventre encore un peu. Parce que je sais qu’en ce moment, il va bien. Tantôt, je ne sais pas. En fait, personne ne le sait et c’est ça qui me fout la trouille. Je n’ai pas de garanti. La vraie vie ce n’est pas une partie de Monopoly. Y’a pas de case « Passez Go et réclamez votre bébé ». Présentement, j’ai plutôt l’impression de jouer à la roulette russe en flirtant avec un hasard potentiellement mortel.

Mais malgré toutes ces peurs, j’ai envie de rencontrer ce petit bébé que je porte comme un précieux trésor depuis neuf mois, de lui donner naissance en l’entendant pleurer, de découvrir si j’ai fabriqué une petite demoiselle ou mini mec… mais par-dessus tout, je rêve de lui tenir la main pour le reste de sa vie plutôt que de le bercer sur mon cœur pour l’éternité.

Ce petit bébé, c’est celui qui viendra compléter notre famille. Celui ou celle que deux grands frères attendent avec impatience. Ce bébé, je l’ai porté en espérant faire la paix avec la maternité. Cette maternité avec laquelle j’ai eu besoin de prendre mes distances le temps de me réconcilier. Le temps de croire à nouveau que la vie peut être simple, douce et pleine d’espoir.

Aujourd’hui, je suis assise sur mon lit, je regarde ma valise prête à partir pour l’hôpital et je me surprends à rêver du « après ». Des larmes coulent sur mes joues à l’idée de tenir dans mes bras ce petit être que j’espère si fort et que j’aime déjà tendrement. Et d’ici là, même si je sais que la peur ne me quittera pas complètement, que mes craintes demeureront présentes et irrationnelles parfois, que personne ne pourra me rassurer avant le fil d’arrivée… et bien moi je t’espère avec tout mon amour de maman. Je n’ai pas envie que tu demeures un rêve mon bébé, je veux juste que tu deviennes ma réalité.

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Le 4 décembre dernier à 18h45, une grande angoisse est tombée lorsqu’une petite poupée a poussé son premier cri.

Ce jour-là, j’ai compris qu’il ne faut jamais arrêter de croire. Qu’il faut garder espoir parce que parfois la vie, ça peut être beau comme ça.

Mélanie