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À toi, qui a reconnu le deuil de mon bébé

Tu ne le sais peut-être pas. En fait, je t’en ai peut-être même jamais parlé. Mais aujourd’hui j’ai envie de te remercier. Toi. Toi qui a été là, dans ce difficile passage obligé que j’ai dû traverser. Toi, qui m’a fait tant de bien dans un moment où j’en avais tellement besoin. Pour toi ce n’était rien. Mais en m’offrant ta reconnaissance, tu as permis à mon deuil d’exister. Tu as fait une place à ce que je vivais en accueillant ma peine, ma colère, ma douleur, mon incompréhension. Tu m’as laisser pleurer mon bébé et tout ce qu’il représentait pour moi. Ce drame irréel en opposition à cette peine si réelle. Par ta reconnaissance, tu m’as donné le droit d’être en deuil. De pleurer mon enfant. Tu ne le sais peut-être pas, mais c’était le plus beau cadeau que tu pouvais me faire. Et en ce 15 octobre, Journée de sensibilisation au deuil périnatal, je veux te dire merci. À toi.

Merci à toi, l’infirmière. Toi qui a été la première à accueillir mon désarrois. Celle qui m’a vu arriver avec la peur dans les yeux et les petites mains tremblantes perdues sur mon énorme ventre. Celle qui a été confronté à ma plus grande peine dans toute son intensité. Quand le médecin a confirmé que le coeur de notre bébé avait cessé, tu m’as donné le droit de pleurer cette fatalité. Tu l’as pleuré avec moi. Tu as donné de l’importance à ma douleur, à ce que ce petit bébé représentait pour moi… même s’il n’était pas encore né. Tu m’as tenu la main et tu m’as accompagné. Tu m’as laissé pleurer mon incompréhension et crier le drame qui venait de m’arriver en me laissant toute la place. Tu n’as pas chercher à banaliser ce que je vivais, même si tu savais que je n’étais pas la première… et que je ne serais pas la dernière. Tu es venue avec ce sourire réconfortant me présenter mon enfant. C’est dans une belle couverture chaude que tu l’as déposé dans mes bras, le regard rempli de compassion. Reste que peu de gens l’ont connu et que toi et moi, on a partagé ce doux et intense moment ensemble. Je veux te dire que tu fais parti des souvenirs que je chéris en pensant à lui.

Merci à toi, mon amie. Toi qui a accepté ma distance sans me juger. Tu m’as attendue le temps qu’il a fallut pour que mon coeur puisse guérir et se remettre à battre un peu mieux. Tu as été en mesure de voir au-delà de mon éloignement. Tu savais que j’avais besoin de me protéger de ton bonheur qui me faisait trop mal. Parce que ton petit bébé à toi, me rappelait beaucoup trop fort celui que moi je n’avais plus. Tu ne l’as pas pris personnel et tu ne m’as surtout pas donné d’échéancier pour vivre mon deuil. Tu ne me l’as jamais reproché. Tu as tout simplement respecté en silence le fait que tes bras remplis d’amour reflétaient mes bras remplis de peine. Je savais que tu n’étais pas loin et que quand je me sentirais prête, tu serais encore là. Merci de m’avoir attendue.

Merci à toi, mon collègue. Toi qui est venu vers moi à mon retour au travail plutôt que de m’ignorer. Tu as osé me demander comment j’allais aujourd’hui. Tu m’as serré dans tes bras et m’as offert tes sympathies. Si tu savais à quel point tu m’as fait du bien quand tu m’as demandé d’aller dîner avec toi pour jaser un peu. Tu t’es intéressé à moi, à mon enfant décédé et aux souvenirs qu’il avait laissé. Tu as compris que je n’avais pas seulement perdu un bébé, que c’était le deuil de mon enfant et de tout ce qu’il représentait pour moi que je devais traverser. Que l’épreuve était grande et que la peine était encore bien présente, malgré les mois qui avaient passé. Tu m’as fait une place pour en parler. Sans toi, je me serais tellement isoler. Tu as laissé la porte de la discussion ouverte et je savais que si un « trop plein » arrivait sans crier gare, tu serais présent pour le recevoir et m’aider. Merci de m’avoir si bien accueilli.

Merci à toi, groupe de soutien. Tu m’as aidé à sortir de mon isolement. Tu m’as donné un endroit pour vivre mon deuil, une place pour partager mon histoire et celle de mon enfant décédé. Je savais qu’avec toi je n’avais pas à me censurer. Jamais je ne me suis sentie jugée ou anormale. Tu m’as accueilli là où j’étais sans que je cherche à me comparer. Tu m’as permis d’échanger avec d’autres parents endeuillés, d’être accompagnée dans ce deuil avec lequel je n’avais aucune idée comment composer. Chaque famille à son histoire, mais dans chacune d’elle j’y retrouvais des émotions qui se bousculaient aussi à l’intérieur de moi. Nous étions en deuil, chacun à notre façon, mais dans une une même compréhension si difficile à expliquer. Une même souffrance nous unissait. Entre nous, il n’y avait pas d’explication ou de justification à donner. Un des seuls endroits où les « Moi aussi », « C’est exactement ça », « Je suis passée par là » prenaient tout leur sens. Avec toi, je n’étais plus une extraterrestre que les gens avaient peur d’approcher, j’étais simplement devenue un parent « normal » endeuillé. Merci de m’avoir permis d’exister.

Merci à toi, le parent orphelin. On se connaissait peu et quand tu as entendu mon histoire, tu n’as pas eu peur de venir vers moi. J’ai tout de suite su que tu comprenais. Que tu comprenais vraiment. Tu savais que ce que je vivais, ça faisait mal. Très mal. Tu aurais pu partir parce que mon histoire te rappelais de douloureux souvenirs, mais tu es resté. Tu m’as regardé lancer des roches à la vie puis ensuite la supplier de me redonner mon enfant. Tu as pleuré avec moi cette histoire qui n’arrive qu’aux autres. Parce que toi et moi on sait que les autres, c’est nous. Tu ne m’as pas lâché même quand j’avais l’impression que jamais je n’irais mieux. Tu m’as donné le goût de sourire et le droit de rire sans me sentir coupable. Tu m’as redonné espoir qu’après la tempête, la vie peut être belle à nouveau. Tu m’as inspiré et tu m’as surtout donné le goût d’y croire.

Merci à toi, ma famille. Merci d’avoir regardé avec tendresse cette photo que tant de gens ne veulent voir. Merci d’avoir pris le temps de faire la connaissance de mon bébé à moi, de l’avoir bercé et embrassé. De lui avoir dire aurevoir avant de lui avoir dit bonjour. Je sais que ce deuil n’a pas été facile pour toi non plus. Je sais que tu as perdu toi aussi quelqu’un que tu attendais déjà beaucoup. Je sais aussi que ma peine t’a fait mal et que tu aurais souhaité en prendre une partie. Pour me faire du bien et m’épargner de cette trop grande épreuve. Je veux te dire que tu as fait une différence dans mon deuil, dans mon histoire. Parce que tu as choisis de faire une place toi aussi à cette si petite vie. Parce que tu as souligné avec moi les anniversaires qui ont suivis, malgré les souvenirs douloureux que ceux-ci pouvaient raviver. Je veux te dire merci de garder son souvenir bien vivant.

Un merci particulier à toi, amour de ma vie. Je sais que notre deuil ne s’est pas vécu de la même manière. Je sais que lorsque mes genoux ont touché terre les tiens ont dû rester droits et forts. Merci d’avoir reçu mes larmes, mes cris et ma rage. Merci d’avoir accepté qu’après un long moment, l’absence était encore toujours aussi lourde pour moi. Parce que nos rythmes étaient différents. Merci pour tes bras si réconfortants et rassurants. Reste que toi et moi, on a vécu tout cela ensemble. On l’a vu, on l’a connu, on l’a aimé avant même de le rencontré. Pour nous, c’était déjà notre enfant et ensemble on avait pas à se justifier. Merci d’avoir dit « oui » à toutes ces petites choses dont tu voulais dire « non ». Tu savais que ce « oui » fera une belle et grande différence pour moi. Et plus que tout, merci d’être encore là pour me tenir la main. Tu es toujours à mes côtés et je suis tellement fière de nous . On ne s’est pas lâchés malgré cette grande tempête qui nous a violemment brassé. Il est fort notre amour, mon amour. On va se dire la vérité, elle ne nous l’a pas donné facile la vie. Mais je sais qu’ensemble c’est possible, tout simplement.

À vous qui m’avez offert votre reconnaissance, chacun à votre façon, vous m’avez fait du bien. Vous n’aviez pas le pouvoir de changer l’histoire ou la capacité de m’enlever ma souffrance, mais vous avez fait mieux que ça. Vous avez reconnu mon deuil. Vous m’avez permis de le vivre sans avoir à justifier ma peine. En m’offrant votre reconnaissance, vous avez fait une place à ma douleur sans que je ne vous en fasse la demande. C’est tout ce dont j’avais besoin pour me faire un peu de bien.

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Le 15 octobre, Journée de sensibilisation au deuil périnatal, on se souvient. On se souvient de ces bébés portés mais jamais rencontrés, de ces bébés nés dans le silence avant même d’avoir ouvert les yeux sur le monde, de ceux si longtemps attendus qui n’ont jamais eu la chance d’être amenés à la maison et de tous ceux qui ne sont malheureusement pas restés.

Pour tous ces parents pour qui le deuil périnatal s’inscrit dans leur histoire de famille, notre cœur est avec vous.

Geneviève et Mélanie, blogueuse fondatrices

www.jesuispersonne.ca

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