Je suis personne » C'est notre histoire à nous, nos pensées, notre vie.

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Ça n’arrive pas qu’aux autres

C’était un dimanche après-midi comme les autres. Une journée ordinaire de week-end où la majorité des gens en profite pour faire de petites activités familiales, courir à l’épicerie et planifier la semaine avant que le rush du lundi commence. Vous voyez le genre? Pour moi aussi c’était un dimanche banal que j’aurais probablement oublié. Mais ce ne sera pas le cas. En début d’après-midi, j’ai reçu un message d’une amie: « J’ai besoin de te parler ». Dès la première lecture… le souffle m’a coupé. Quand quelqu’un vous écrit ça, c’est que ça ne va pas. Vraiment pas. J’ai tout de suite présumé que quelque chose de grave était arrivé parce que ce n’est pas le genre de message qu’on envoie juste pour jaser. Si c’était l’intention, ça aurait plutôt sonné comme : « Appelle-moi quand tu auras la chance. » Mais là, ce n’était pas ça. Elle devait me parler à MOI et c’était plus qu’urgent. Je le sentais. J’ai aussitôt pensé à sa fille qui était en fin de grossesse et j’ai imaginé le pire. Comme si une partie de moi comprenait sans savoir.

Je vous jure que j’ai essayé fort de me résonner en me disant que je faisais fausse route, que je me trompais sûrement, qu’une histoire comme la mienne ne pouvait pas arriver autour de moi. Comme si le fait d’avoir été pigé à la loterie du malheur, immunisait tous ceux qui me connaissait. Comme si toutes les femmes enceintes de mon entourage avaient reçues une carte Chance au Monopoly du style : « Passez Go – Réclamez un bébé! ». Je me disais qu’un tel drame ne pouvait pas arriver à quelqu’un que je connaissais. Mais plus les secondes passaient, plus cette étrange impression de déjà-vu grandissait. C’était plus fort que moi. Plus grand que moi.

J’essayais de réaligner mes pensées en me disant qu’une personne normale ne songerait jamais à ça. Ne tirerait jamais cette conclusion fatale. N’oserait même pas imaginer ce scénario parce que ce n’était pas une option possible. Que les gens normaux ça ne pensent pas à ça. Parce que monsieur-madame-tout-le-monde savent qu’un bébé c’est fait pour naître pas pour mourir. Mais moi, je ne suis plus normale. Parce qu’un jour, on m’a confirmé qu’un bébé ça meurt des fois. Même à quelques pas de la ligne d’arrivée. Même quand on est convaincue que tout est gagner. Même quand on a l’impression que la vie nous en doit une. C’est pas une affaire de mérite juste de malheureux hasard.

Parfois, je m’ennuie de ma naïveté. Si elle ne m’avait pas quitté le jour où ma fille est décédée, je serais encore capable de penser comme la majorité en me disant que des histoires comme ça, ça n’arrivent qu’aux autres. J’en entendrais parler comme tout le monde, quand ça arrive à l’amie-de-la-cousine-d’un-collègue, et je trouverais ça terrible. Horrible même. Mais j’aurais cette capacité de me détacher de cette réalité troublante parce que ce serait trop loin de moi. Et je continuerais de croire comme plusieurs, que ça ne peut pas nous arriver. J’imaginerais que nous sommes à l’abri. Parce que ça, c’est le genre de chose qui n’arrive qu’aux autres. Le problème, c’est que je sais que tout ça c’est faux. Parce que  « les autres », ça déjà été nous.

On aimerait tous croire que le malheur ce n’est pas pour nous. Mais je vous annonce que nul n’est immunisé contre la fatalité. Ce genre d’histoire que personne ne veut ajouter à son curriculum, ça peut arriver à tout le monde. Le hasard n’a pas de préférence et personne ne mérite son fruit.

Dimanche dernier, j’aurais vraiment aimé me tromper. Avoir imaginé le pire pour rien. Avoir eu peur pour eux, alors que finalement tout allait bien. Mais mon intuition disait vraie. Le coeur de Rose s’était arrêté.

Dimanche dernier, « les autres » c’était ce petit couple amoureux sans histoire qui attendait la cigogne pour la première fois. J’aurais aimé pouvoir déjouer le sort et empêcher le hasard de s’abattre sur eux. Leur éviter cette lourde peine et leur offrir un bonheur facile en cadeau. Mais je n’ai pas ce don.

Dimanche dernier, j’aurais préféré que « les autres »… ce ne soit pas eux.

Mélanie

  • Sandrine - Comme toutes les personnes normales, j’ai aussi crus que cela n’arrivais qu’aux autres, je sais ajd que non…répondreannulé

    • Mélanie - Malheureusement, c’est la triste réalité. Si ce n’était que de nous aucun parent ne devrait vivre ce drame. – Mélanierépondreannulé