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L’autre moitié de sa petite enfance

Dans la vie, il y a des personnes qui croisent notre route et qui ne laissent pas de trace. Et il y en a d’autres qui marquent notre existence de la plus belle façon qui soit…

Tu fais clairement partie de la deuxième catégorie.

Tu es de celles qui ont trouvé leur vocation et qui s’en réjouissent. De celles qui puisent leur énergie à même la fatigue heureuse qu’apporte la satisfaction du travail accompli. Tu donnes sans compter, tu distribues sourires et câlins à volonté. À la semaine longue. À l’année longue.

Malgré les visages barbouillés par les collations, les petits nez qui coulent et les doigts coloriés. Malgré les pleurs parfois interminables, les chicanes-dont-on-ne-connaîtra-jamais-la-cause et les accidents sur le plancher. Malgré les matins chaotiques, les départs brusques, les papas en retard et les mamans pressées. Malgré l’électricité dans l’air les veilles de tempête et la frénésie qui précède les vacances d’été.

Tu es éducatrice à la petite enfance. Tu as été l’éducatrice de sa petite enfance.

Elle venait à peine de fêter ses 2 ans quand tu es entrée avec fougue et dynamisme dans son univers. J’avais bien vu quelques parents aux yeux humides quitter ton groupe avec regret, mais je trouvais secrètement qu’ils en mettaient un peu trop. C’était avant de te connaître. C’était avant que tu te tailles une place de choix dans la vie de ma petite dernière, et dans la mienne par la même occasion. Évidemment, je savais que mon statut de maman serait relégué au second plan et qu’avec le rôle privilégié que tu jouerais viendrait un sacré piédestal. C’est bien connu, les éducatrices détiennent la vérité absolue et nous, parents, ne sommes que de vieilles reliques à qui nos enfants se sentent obligés de tout apprendre… Alors je n’ai pas été surprise d’entendre ma mini me dire avec le plus grand sérieux du monde que toi, tu sais comment couper les pommes et que la petite queue, et bien ça s’appelle un « pédoncule ». Que c’est toi qui a inventé la danse des canards. Que le Kraft Diner est un produit laitier (euh hum). Que les dinosaures ont existé pour vrai il y a longtemps… quand j’étais petite!

Bref, à pareille date l’an dernier, j’avais le cœur gros et l’âme en peine en sachant que les journées dans ton groupe étaient comptées. Une belle aventure tirait à sa fin, mais même si je m’y attendais, je n’arrivais pas trop à me faire à l’idée. Oh bonheur inespéré, j’ai appris que tu suivrais finalement ma cocotte pour une autre année! Et voilà que nous sommes maintenant à la croisée des chemins, que l’heure de la séparation a véritablement sonné : à l’aube de ses 4 ans, ma puce fréquentera une nouvelle garderie…

Cette semaine, ce sera mon tour d’avoir les yeux humides et de quitter ton groupe avec regret. Les conversations décousues dans le cadre de porte le matin, les échanges complices et fatigués de fin de journée, les regards qui veulent tout dire, les encouragements silencieux et les soupirs déguisés en sourires me manqueront. Même tes « reproches » envers la mère indigne que j’étais parfois quand j’oubliais d’envoyer mon bec dans la fenêtre et toutes ces fois où, dessin de princesse en main, ma fille entrait dans ton local en t’annonçant implicitement que tu aurais à le photocopier pour tous les amis du groupe pour éviter la troisième guerre mondiale… Autant de souvenirs inscrits dans ma mémoire de maman. Je suis remplie de gratitude envers toi, un être inspirant et si spécial qui aura marqué la vie de ma fille pendant deux merveilleuses années. Merci pour les traces indélébiles que tu as gravé dans nos cœurs. Il est probable qu’avec le temps, elle tende à oublier un peu celle qui la chouchoutait pendant la sieste et qui l’aidait à devenir le meilleur d’elle-même. Sa « Chantalou ».

Mais à mes yeux et dans mon cœur de maman, tu resteras pour toujours l’autre moitié de sa petite enfance.

Marie-Hélène