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Ta deuxième naissance

Cette première rencontre on y a pensé longtemps. On l’a visualisé belle et moins belle. Pour finalement faire le choix de s’éloigner du scénario rose bonbon, sans nécessairement imaginer tout en noir. On ne voulait pas se créer d’attente. Rien anticiper non plus… par peur d’être déçus. Anyway, s’il y a une chose que je sais, c’est que la vie fait rarement dans le « comme on veut ». Elle marche à sa manière, pas à la nôtre. Mais n’empêche que, dans certaines circonstances on ne peut faire autrement que de se souhaiter du beau, du facile et un brin de magie. Comme pour cette rencontre qui marquerait le moment où je te donnerais naissance pour une deuxième fois.

La vieille de mon « accouchement » j’ai eu la frousse. C’était pas seulement dans ma tête, c’était physique! J’avais le ventre tordu et le coeur qui voulait me sortir par la gorge. Pourtant, j’attendais ce moment depuis presqu’une année déjà et je pensais vraiment être prête. Mais si près de la ligne d’arrivée, j’en perdais tous mes repères… Est-ce que ta maman d’accueil t’aura présenté les photos de nous que j’ai envoyé? Me reconnaîtras-tu? Auras-tu peur de nous? Arriverons-nous à se comprendre? Tu n’as que 17 mois, mais côté langage il y a un monde de différence entre le coréen et le français… Et si tu ne voulais pas de moi comme maman? De cette famille que nous t’offrons? De cette nouvelle vie au Canada? Même si ton bonheur a été la pierre angulaire de toutes les décisions qui ont été prises par les adultes qui ont gravité autour de toi depuis ta naissance, tu me sembles encore tellement petit pour t’adapter à de si grands changements de vie… et pourtant, tu es déjà si résilient.

Ce matin là, nous nous sommes rendu en taxi chez ta famille d’accueil. Nous avons monté une série d’escaliers, puis la travailleuse sociale a cogné à la porte. À ce moment précis, ma tête était vide et mon coeur était prêt à accueillir cette première rencontre comme elle viendra. Puis la porte s’est ouverte… J’ai d’abord reconnu ta maman d’accueil. Elle nous a accueillit avec un grand sourire. J’étais rassurée. Puis je t’ai aperçu. Toi, mon plus-que-parfait petit bonhomme aux cheveux noirs et aux yeux bridés qui portait déjà malgré ses trois pommes de haut, un baluchon de vie déjà bien remplie. Mais quand j’ai vu ton sourire et l’étincelle dans tes yeux, toutes mes craintes se sont enfuies. Je savais que tu étais heureux. Reconnaissant des bons soins que tu recevais de ta maman d’accueil, heureux de la vie que tu connaissais en Corée et content de nous rencontrer enfin… Quand nos yeux se sont croisés pour la toute première fois, j’ai vu cette lumière briller dans ton regard. Comme si tu me reconnaissais, comme si tu comprenais ce qui était en train de se passer, comme si cette vie qui t’attendait était déjà la tienne, comme si tu avais toujours fait partie de la nôtre… On ne se connaissait pas et on ne parlait pas la même langue, mais les mots n’auraient été qu’accessoires de toute manière puisque le langage du coeur est universel et n’a pas de frontière. Lors de cette première rencontre, quelque chose de trop grand s’est passé pour pouvoir l’expliquer. Il fallait vivre le moment pour en comprendre toute sa beauté. Ce souvenir sera gravé dans ma mémoire, comme chacune des naissances de mes enfants, jusqu’à mon dernier souffle.

La suite de l’histoire je ne la connais pas puisque nous l’écrirons ensemble dans quelques semaines au Canada. Mais dans l’attente que les procédures d’adoption soient complétées, je me couche le soir avec le souvenir magique d’un premier bonjour plein d’amour et la conviction qu’il nous aura fallut prendre ce long chemin pour que nos âmes se retrouvent enfin…

– Mélanie

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