Je suis personne » C'est notre histoire à nous, nos pensées, notre vie.

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Toi, ma Divine Guerrière

Je me souviens de cette soirée où tu m’as confié que ton sein avait changé. Qu’il n’était plus comme avant. Sans savoir ce qui n’allait pas exactement, tu savais que quelque chose clochait. Que ce n’était pas normal et que tu devais consulter. Pour te rassurer? Non. Pour savoir. Point.

À ce moment-là, j’ai entendu ton inquiétude… même si tu ne l’as pas crié.

Pour toi mon amie, j’ai essayé très fort d’être positive et de ne pas penser au pire. J’ai tenté de m’autorassurer pour pas te pitcher dans face mes propres peurs. Je me suis répété que tu avais déjà eu ton lot de d’épreuves (de marde) dans la vie et qu’une de plus c’était juste impossible. Genre illogique. Insensé même. Parce qu’honnêtement, la gang en haut avait assurément tenu une Assemblée Générale Extraordinaire quelque part entre 2012 pis 2013, pour t’accorder une carte d’ « Immunité contre les aléas de la vie ». Une sorte de VIP Pass d’après tempête pour te permettre de sauter par-dessus les trous de bouette et te faire voir que des arcs-en-ciel pour le reste de tes jours. Dans ma tête, il me semble que ça ne pouvait pas faire autrement. Dans mon cœur, ce n’était même pas une option.

En t’écoutant, j’aurais aimé être capable de te rassurer… même si tu n’as rien demandé.

J’aurais voulu avoir la capacité de te dire de ne pas t’en faire avec ça. De te convaincre que ce n’est surement rien. Te dire de ne pas penser au pire, parce que tes chances d’avoir un cancer sont quasi impossibles. Parenthèse : Je ne veux rien enlever à ton unicité pis à la rareté de ton espèce, mais un moment donné… tsé. There’s so much que ton numéro peut sortir à la loterie Pas-de-chance. Fin de la parenthèse. J’aurais aimé te raconter l’histoire d’une amie à qui c’est arrivé pis que finalement ce n’était rien du tout. Te prouver que des finales rose-bonbon à l’américaine, ce n’est pas juste pour les autres. Parce que toi aussi, tu y as droit.

J’aurais aimé te dire tout ça, mais tu ne m’aurais pas cru.

Je n’aurais pas été crédible, parce que ces mots n’auraient pas été les miens. Ils n’auraient pas collé avec qui je suis comme personne, comme amie. Parce qu’au fond de moi je sais très bien que même quand les autres nous pensent immunisée et qu’ils ont le sentiment profond que plus rien ne peut nous arriver parce que la vie nous en doit une… ben on n’est pas plus protégé. Ce n’est pas une question de mérite, juste le fruit pourri du hasard. Moi je le sais. Et je sais que tu le sais aussi.

Dans l’attente de tes résultats, je n’ai pas osé jouer la carte de la naïveté en te disant que tes inquiétudes n’étaient pas fondées. Qu’il n’y avait pas lieu de s’inquiéter. Parce que je savais que ta crainte de la maladie était réelle, que tu ne l’inventais pas. Accompagnée par une profonde impuissance, j’ai eu peur avec toi mon amie. Peur qu’on te dise ce que tu ne voulais pas entendre. Peur que le bonheur que tu as travaillé si fort à bâtir autour de toi, bascule encore une fois. Peur que tu souffres en silence et que tu t’isoles avec ta peine pour pas déranger personne. Peur de ne pas être à la hauteur de l’amie dont tu aurais besoin pour t’accompagner dans ta vulnérabilité.

Alors j’ai prié à voix haute pour être sûre qu’on m’entende. Je sais que ça peut faire drôle à dire, mais secrètement j’ai espéré que tu aies «juste» peur.

Juste.

Peur.

J’ai espéré que ces semaines d’inquiétude que tu vivais ne laissent en toi qu’un vague souvenir de ces fois où tu as eu «juste» peur.

Mais sans autorisation ni consentement, le méchant t’a choisi. Il est entré par infraction chez toi et s’est installé sans jamais avoir été invité. Il a élu domicile dans ton corps. Dans ton sein. En fait, il ne t’a pas choisi. Il s’est imposé dans ta vie. Point.

C.A.N.C.E.R.

Six lettres qui résonnent avec autant de douceur qu’une brique qu’on lance violemment sur un gong. Un seul petit mot… pourtant si lourd à porter. Celui qui frappe là où ça fait mal. Qui dérange plus de monde plus qu’on veut. En fait, j’imagine car je ne le sais pas vraiment. Parce que je ne suis pas toi, je ne peux qu’essayer d’imaginer, avec toute ma sensibilité, ce que tu peux vivre présentement. Et ce que je peux te dire, c’est que j’ai profondément mal. Mal pour ton amoureux qui se battra avec amour et affection pour toi. Pour tes enfants qui chercheront à comprendre en te posant des questions qui grafigneront ton cœur de mère. Mal pour tes parents, qui vivront l’impuissance de voir ce méchant te faire du mal sans même pouvoir te défendre. Mal pour toi mon amie. Mal au cœur de savoir que tu devras affronter à toi seule une bête que tu ne connais pas. Mal au corps de penser que tu devras courir un marathon sans même avoir eu la chance de te préparer avant. Mal au ventre de savoir que quelque chose d’aussi laid pouvait oser s’attaquer à une personne aussi « Beauty-full » que toi.

Le soir où tu m’as annoncé que les nouvelles n’étaient pas bonnes… j’ai compris sans poser de question. Je savais ce que tes quelques mots voulaient dire. Ma belle amie avait le cancer. Je n’ai pas posé de question parce que je n’avais pas besoin que tu me donnes des détails, je comprenais ce qui se passait. Je n’avais pas besoin d’assouvir mon incompréhension face à cette injustice en passant par le rationnel de la chose. Ce n’était pas important, parce que ça ne changerait rien à ce que tu vivais maintenant. Mais aujourd’hui, j’aimerais que tu saches que j’aurais tellement voulu prendre une bouchée de cette épreuve pour toi. Pour pas que tu penses que je te laissais seule dans l’arène avec ce monstre. Pour te montrer à quel point je t’aime et que j’espère être à la hauteur de l’accompagnement que tu mérites. Pour partir à la guerre avec toi. Pour tout faire ce qui est humainement possible pour t’éviter de souffrir, d’avoir mal, d’avoir peur. Parce que je ne veux pas de tout cela pour toi. Parce que je t’aime tellement… mais tellement. Tu le sais, hein?

Crédit photo: Isalaf Photo

Parfois je me gratte la tête pour trouver une façon de te faire du bien, même si tu ne demandes rien. Mais en fait, j’ai juste le goût que tu saches que je suis là pour toi et que tu peux prendre ma main. Je veux être là pour toi, peu importe le temps qu’il fera. Dans le beau comme dans le laid. Je serai là pour rire avec toi et t’accompagner dans le délire quand tu n’auras pas le goût de pleurer, pour t’écouter sans parler, pour te lire quand tu voudras écrire, pour jaser de tout et de rien quand tu en auras besoin, pour tenir la corde au bout de tes rêves quand tu auras peur qu’ils s’envolent et pour t’aider à retrouver le chemin du retour si jamais tu prends trop de détours. Parce que je ne te lâcherai pas.

Je t’aime ma Divine Guerrière. Tellement…

Mélanie